END 2012
Photo
Avec « End », Paolo Topy nous invite à découvrir une géographie bien particulière, une géographie corporelle qui évoque des territoires déroutants, assez peu définis et qui, pourtant, dans cette proximité qui caractérise les mondes urbains dans lesquels nous vivons, sont si proches de nous. Ce sont ceux d’une errance urbaine anonyme, silencieuse et indicible. Chaque tatouage est comme un cri qui dit, malgré tout, ce long et difficile parcours aux allures de chemin de croix à la fin annoncée, trop souvent prématurée et tragique. Réalisés avec des techniques simples et empiriques, ils sont des témoignages modestes, intimes et touchants, très éloignés des modes faciles pour ne pas dire stériles où l’esthétique gratuite prend le pas sur le signifiant dans une ostentation savamment organisée qui flirte avec le grotesque. Ils participent bien sûr d’une appropriation de son propre corps, dernier lieu véritablement à soi de ces êtres abandonnés, en déshérence qui n’ont rien sinon eux-mêmes mais pas seulement. Il s’agit de témoigner coûte que coûte, dans l’urgence et, avant tout pour soi, de sa propre vie. Une vie que la société ne veut pas voir dans un dénie ou s’entremêle l’ignorance, le refus et fatalement la peur. Il s’agit pour celui qui se signe ainsi de créer sa propre mythologie, de témoigner de sa propre histoire, de créer ses propres repères dans un monde qui n’en offre aucun. Leur signification n’a d’ailleurs véritablement de sens que dans cette intimité extrême entre ce corps et celui qui l’habite. Une intimité partagée spontanément, dans l’instant, qui révèle un corps malmené par la vie, où se mêlent indistinctement stigmates des addictions, des maladies, des souffrances et tatouages. Un corps qui apparait soudain et étonnamment comme un territoire sacré à la beauté brutale et troublante. Dévoilé, Il évoque ses vies que croise, un temps, le regard du photographe.
Yves Peltier