Beach

Paolo Topy Rossetto Photographer - Beach

BEACH  2015

Photo

Ce triptyque est composé de Trois bodybuilders. En fait, il s’agit de trois « images » de bodybuilders imprimées sur des serviettes de plage que l’artiste a judicieusement recadrées. Paolo Topy nous propose, ici, une réflexion sur la relation qu’entretient le politique avec l’art, les musées, le public, les “people” et… le populisme. Alors que certaines stars du cinéma ou du sport, certains « people » voient exposées leurs « œuvres » dans des musées, il est intéressant de se poser la question des motivations réelles qui amènent à l’organisation de ce type d’évènements, leurs implications et conséquences.

Ce travail a été réalisé par Paolo Topy à la suite d’une exposition de peintures réalisées par Silverster Stalone au Musée d’Art Moderne de Nice. Il ne s’agit pas, bien sûr, de s’interroger sur la sincérité de la démarche des « artistes » en question. Ce serait inutile. Voilà bien longtemps, depuis Henri Bergson (1859-1941) exactement, qu’il est malvenu de retirer le droit à tout à chacun de se considérer comme un artiste. Mais la pratique d’une technique comme la peinture ou la sculpture suffit-elle pour faire de n’importe qui, véritablement, un artiste ? De même suffit-il d’adopter un certain look, une certaine manière de vivre ou attitude pour l’être ?

Traditionnellement, l’art et les artistes ont été considérer d’un point de vue élitiste. Il y aurait une prédestination que l’apprentissage d’une technique viendrait seulement appuyer et soutenir. Plus récemment, la notion d’art et d’artiste a été étendue, démocratisée. Les écoles se sont, dans cette logique, multipliées et pour peu que l’on décèle chez tel ou tel une certaine aptitude, le suivi d’un cursus en bonne et due forme suffit à lui apprendre à produire de l’art. Le système est bien rodé et produit nombre d’ « artistes » chaque année qui, à leur tour, produisent de l’ « art » à tour de bras. On n’en a jamais autant compté (des artistes), on n’en a jamais autant vu (des œuvres). Ils sont, en quelque sorte, artistes professionnels. Leurs productions sont reconnues officiellement comme étant de l’art, par ce même système et par son corolaire, le marché de l’art. Mais savoir produire en fonction de critères prédéterminés suffit-il à faire œuvre, à faire de l’art ?

Nos « people » et leurs velléités artistiques apparaissent alors, trop aisément, comme le contre-point rassurant de ce système. Simples amateurs, dilettantes et autodidactes, ils ont vocation à rassurer trop facilement un public parfois circonspect, dubitatif et pour le moins perdu face à des productions qui lui semblent hermétiques, destinées à un public d’initiés et dont il ne maitrise pas les codes. Ils se reconnaissent plus volontiers dans ces « artistes du Dimanche » qui leur ressemblent tant dans leur désir de faire de l’art. Pourtant, nous sommes dans un système tout aussi rodé. Issus d’un « star-système » efficace ou médiatisation et marketing agissent de pair, nos « people » sont eux aussi de purs produits imposés. Leurs « œuvres » sont entachés des mécanismes et stratégies de ce système. L’art se fiche, justement, des systèmes. Il a la capacité à émerger n’importe où et, ultime pied de nez, y compris parfois dans ces mêmes systèmes, y compris dans des environnements où l’on ne s’y attend pas.

La responsabilité du « politique » n’est pas de créer de supposées et hypothétiques conditions à cette émergence mais de protéger l’art. Il n’a pas non plus à le détourner à son profit. Les paillette d’artistes-stars non pas vocation à faire briller ou populariser la classe politique en flattant le scepticisme et l’incrédulité du grand public. De même les écoles d’art non pas à dédouaner le politique ou à redorer son blason par leur seule existence.

Ici, dans ce triptyque, c’est le regard du photographe, sa curiosité, sa relation au monde et son questionnement qui fait « art ». Ces simples serviettes de plages se révèlent tant dans leur beauté plastique que dans la manière insidieuse qu’elles ont de nous interroger. Contrairement aux œuvres des artistes et des peoples, elles sont anonymes et sont le produit d’une fabrication industrielle pourtant leur beauté est étonnante, ce qu’elles nous disent est fascinant. Paolo Topy a volontairement rendu la matière des serviettes avec une infinie précision afin d’en souligner le côté mécanique et « cheap ». Il s’agit d’une simple impression et pourtant la magie opère. D’où vient-elle ? L’artiste ne serait-il pas simplement un magicien capable de transcender la réalité et sa propre relation à cette dernière. Son statut particulier ne viendrait-il pas de sa capacité à nous convaincre ? A partager avec nous cette expérience étonnante ? Quelle est, ici, l’expérience qu’il nous propose ? Celle de rester éveillé, attentif au monde qui nous entoure et de garder cette capacité à nous émerveiller d’un rien mais aussi de rester vigilant et critique.

Yves Peltier

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